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La lutte contre les violences conjugales, un point d’histoire(1)

 

La secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, et le Premier ministre, Édouard Philippe, ont lancé mardi le Grenelle des violences conjugales, une série de rencontres entre différents ministres, responsables associatifs et proches de victimes qui se tiendront jusqu’au 25 novembre. Le droit a progressivement évolué pour lutter contre les violences conjugales et des initiatives, portées par des associations ou des gouvernements, ont tenté d’endiguer le phénomène. Environ 302 000 personnes sont victimes de violences conjugales chaque année en France, selon l’institut national de statistiques Insee.

A l’origine

Les violences conjugales ont longtemps été exemptées de sanction par le droit français, en particulier lorsqu’elles touchaient les femmes en raison de l’autorité que les hommes exerçaient sur elles. Au Moyen-Âge, « les hommes peuvent être excusés de mauvais traitements envers leurs femmes, sans que la justice ait le droit de s’en mêler », rapportent ainsi les « Coutumes de Beauvaisis », un recueil de droit du XIIIe siècle. Les autorités ecclésiastiques peuvent toutefois excommunier un homme qui a pratiqué son « droit de correction » sans modération. Pendant la Révolution française, la loi du 22 juillet 1791 dispose que « la peine sera plus forte si les violences ont été commises envers la femme », mais cette mention disparaît du Code pénal de 1810, qui excuse au contraire le mari qui aurait tué sa femme parce qu’elle le trompait. « Au XIXe siècle, les violences conjugales n’existent pas » en droit, précise dans l’ouvrage « La Violence et le judiciaire » l’historienne Victoria Vanneau, spécialiste des violences de genre. Les « dissensions domestiques », telles qu’elles sont appelées, sont toutefois jugées à travers des affaires d’homicide, de coups et blessures ou d’empoisonnement. Les mouvements féministes s’emparent de cette question à partir des années 1970.

Les dates clés
  • 1998

L’association SOS Femmes Alternative inaugure en 1978 le centre Flora-Tristan à Clichy (Hauts-de-Seine). Il s’agit du premier centre français destiné à accueillir et héberger les femmes victimes de violences conjugales. Présidée par Anne Zelensky, SOS Femmes Alternative a été créée trois ans plus tôt par cette militante féiniste avec ds membres de la Ligue du droit des femmes, une autre association féministe qu’elle avait cofondée avec l’écrivaine Simone de Beauvoir. La Ligue du droit des femmes avait constaté qu’une des raisons empêchant les femmes battues de quitter leur conjoint était la difficulté à trouver un hébergement. SOS Femmes Alternative obtient notamment une subvention de la ministre de la Santé, Simone Veil, pour créer le centre Flora-Tristan. Celui-ci propose, outre un hébergement d’urgence pour plusieurs jours, un accompagnement psychologique et juridique, ainsi qu’un service d’hébergement pouvant durer plusieurs mois. Il a accueilli environ 4 500 femmes et 4 900 enfants depuis sa création, selon la fédération nationale Solidarité Femmes, un réseau d’associations dont il est membre.

  • 1992

La fédération nationale Solidarité Femmes crée en 1992 la première plateforme nationale d’écoute anonyme pour les femmes victimes de violences conjugales. Le gouvernement transforme en 2007 ce numéro à 10 chiffres, qui devient le 3919, dont Solidarité Femmes conserve la gestion. En 2014, l’appel passé vers le 3919 devient gratuit depuis les téléphones portables et les appels n’apparaissent plus dans l’historique et les factures. Le 3919 devient également un numéro de référence pour tous les types de violences que peuvent subir les femmes, comme les violences sexuelles ou les mutilations génitales. Des salariés répondent aux appels et fournissent écoute et informations. En 2018, le 3919 a pris en charge 53 255 appels. Dans 92 % des cas, le motif de l’appel était lié à des violences conjugales et 98 % des appels concernaient une situation où une femme était la victime, selon Solidarité Femmes.

  • 1994

Les violences conjugales sont considérées comme une « circonstance aggravante » dans le nouveau Code pénal de 1994, toujours en vigueur. Les peines encourues pour un crime ou un délit sont ainsi aggravées lorsque l’infraction est commise par le conjoint ou le concubin de la victime. Le Code pénal prévoit également un délit spécifique de violences, même s’il n’a pas entraîné une incapacité de travail ou si celle-ci est égale ou inférieure à huit jours, dès lors que l’auteur des faits est le compagnon de la victime. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La peine encourue pour des violences conjugales ayant entraîné la mort sans intention de la donner passe de 15 ans à 20 ans de prison. En 2006, une loi élargit le champ d’application de la circonstance aggravante à de nouveaux auteurs, les pacsés et les ex, ainsi qu’à de nouvelles infractions, comme les meurtres, les viols et les agressions sexuelles.

 

  • 2007 : création de NOA oser le dire

 

  • 2014

Le gouvernement élargit en 2014 au territoire national le dispositif de « téléphone grand danger », déjà expérimenté dans 13 départements. Il est accordé par un procureur de la République, pour une durée de six mois renouvelable, après évaluation du danger encouru par une personne victime de violences. Le dispositif se présente sous la forme d’un téléphone portable disposant d’une touche dédiée permettant de joindre à tout moment un service de téléassistance et d’être géolocalisé. Ce service évalue la situation et est relié aux forces de l’ordre, auxquelles il peut demander d’intervenir immédiatement. 837 « téléphones grave danger » étaient déployés en France fin 2018, moitié plus qu’en 2017, et les forces de l’ordre ont été sollicitées à 420 reprises grâce à ce dispositif l’an dernier, selon le ministère de la Justice. 149 personnes sont décédées sous les coups de leur partenaire ou de leur ex-partenaire en 2018, dont 121 femmes, selon le ministère de l’Intérieur. 302 000 personnes, dont 219 000 femmes, sont en moyenne victimes chaque année de violences conjugales, selon l’institut national de statistiques Insee.

À l’étranger

Un pays sur quatre ne dispose pas de loi contre les violences conjugales, selon un rapport publié l’an dernier par la Banque mondiale, un organisme de financement du développement. Dans les pays où de telles lois existent, celles-ci ne traitent pas des « quatre formes de violences conjugales différentes, à savoir physique, sexuelle, émotionnelle et économique », telles que définies par la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes adoptée par l’ONU en 1993. Toutes « ne couvrent pas les partenaires intimes non mariés », souligne également l’organisation. En Europe, la France est le cinquième pays qui compte le plus de victimes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint par rapport à son nombre d’habitants, avec 1,8 victime par million d’habitants. L’Espagne est l’un des précurseurs de la lutte contre les violences conjugales. Le pays a adopté une loi contre les violences de genre en 2004 et déploie depuis 2009 des bracelets électroniques pour éloigner les agresseurs, un dispositif inscrit dans la loi en France, mais encore jamais testé.

 

 

(1) Source Brief.me, 07 septembre 2019

 

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